29/10/2018

À propos de mon roman, Chimère(s)






     Il y a de ça environ un an, dans la foulée de la rédaction mon recueil de nouvelles, il me restait pas mal de "jus" disons, suffisamment en tout cas pour enchaîner sur la rédaction d'autre chose, d'autant plus que j'étais pris dans une relation toxique sur le point de s'achever en une sale rupture, et que j'étais au bord de faire une grosse connerie. Et une vraie grosse connerie, pas ce qu'on appelle abusivement une grosse connerie comme aller voir Taxi 5 au ciné par exemple, ce qui n'en reste pas moins une grosse connerie certes, mais je m'égare.

     J'avais le début, j'avais la fin, j'avais le fil directeur. Et surtout, j'avais des tas de trucs à exorciser, bref, tout ça bouillonnait et ne demandait qu'à sortir. Et c'est sorti assez vite d'ailleurs, il me semble que le premier jet a été craché en environ trois semaines, ce qui est relativement peu au vu des 215 pages que prennent le récit.
     Après, j'ai laissé reposer tout ceci en me disant que de toute façon, ça ne valait pas un sou ; mais au moins ce travail m'avait-il empêché de faire une grosse connerie (non, rien à voir avec Taxi 5 non... 'fin n'empêche, si on pouvait me rendre les 7 euros que j'ai perdu dans cette histoire quand même... bref, passons), et c'était déjà bien.
     Sauf que ce roman m'obsédait, et m'obsédait même tellement que j'ai commencé à y revenir de temps à autre, parce que des éclairs me foudroyaient le crâne et exigeaient que je retouche un truc par-ci, un truc par-là ; et avant que je ne m'en rende compte, j'en étais à m'y replonger quasiment tous les jours pour le remanier, dégraisser ce qui prenait trop de place, dégager ce qui ne marchait pas, et affiner ce qui marchait. 
     Bref, sans vraiment en avoir conscience, je me retrouvais à réécrire ce bouquin non plus pour moi et éviter de faire une grosse connerie (cela dit ça ne m'a pas empêché d'aller voir Taxi 5, maintenant que j'y pense) ; mais dans l'optique qu'il soit lu parce que tout compte fait, je trouvais que l'histoire était tout de même assez valable pour possiblement intéresser une poignée de personnes. C'est que des aventures impliquant des détectives privés teigneux, des démons, beaucoup d'alcool, des bagarres, des flingues, des épreuves à endurer, le Diable, une destination mystérieuse et peut-être même une princesse à sauver à la fin ; il en existe pléthore depuis la nuit des temps (certes, peut-être qu'elles ne mêlent pas tous ces éléments en même temps, mais bon... je suppose qu'on ne se refait pas). 
     Ces récits existent, existeront probablement toujours, il y a donc un public pour cela. Si mon petit roman peut parler à certains, tant mieux, je serai déjà content.

     Donc voilà, le bouquin est là, il existe, et c'est déjà pas mal.
   Maintenant si vous voulez le lire, vous savez ce qu'il vous reste à faire, il sera même bientôt disponible en broché sur Amazon pour les puristes réfractaires aux liseuses ; et pour son lancement, l'édition numérique est soldée jusqu'au 1er Novembre (rendez-vous sur Kobo ou Amazon).
     Reste un problème, néanmoins : putain, mais pourquoi je suis allé voir Taxi 5 ?! 

24/10/2018

Cinéma : Halloween (2018)






   Ce qui est paradoxal avec Halloween, c’est que le premier film a inauguré un genre (le slasher, pour les cancres du fond qui n’auraient pas suivi) avant que le reste de la saga ne passe son temps à courir après les modes successives. Ainsi, les second et quatrième films de la série tapaient dans le gore outrancier et le rythme frénétique, s’autorisant même des incartades qui lorgnaient du côté de l’action, en raccord avec la saga Vendredi 13 qui dominait alors le genre. Le cinquième film lorgne ouvertement du côté du fantastique, achevant de faire de Michael Myers un monstre surnaturel évoluant dans un domaine qui l’est tout autant, à l’image de Freddy. Le sixième enfonce le clou en évoquant ouvertement secte et magie, domaine alors très prisé par Chucky et ses délires vaudous. Enfin, H20 et Resurrection sont clairement des néo-slashers de la vague post-Scream, allant jusqu’à laisser à Kevin Williamson, architecte de Scream, les coudées franches sur H20. Et il y a bien sûr les deux films de Rob Zombie qui, en plus de surfer sur la vague de remakes qui frappait alors le genre, plongeaient dans la brutalité la plus âpre qui était à l’époque la norme et dont Zombie fut d’ailleurs l’un des instigateurs.
  Pour le meilleur comme pour le pire, la saga a toujours su évoluer avec son temps. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir ce Halloween 2018 être un pur produit de son époque. S’il avait été malin, le film se serait inscrit dans une vague plus naturaliste héritière de Mandy Lane (pour citer le meilleur exemple de cette vague) ; ou post-moderne façon The Strangers Prey At Night ; ou même, s’il avait ne serait-ce qu’un neurone valide, à l’étude relativement futée d’un grand nom du genre par ceux qui l’ont vécu de l’intérieur, façon Scre4m.
   Sauf que Halloween 2018 n’est pas un film malin. C’est un film profondément con. Con, opportuniste, et mensonger. Et en conséquence, sa façon de coller à son époque sera celle usitée par des machins comme The Predator ou Terminator Genysis : se réapproprier sans vergogne un héritage pour le dévitaliser et le dégueuler en un produit conforme apte à plaire au plus grand nombre.

  Que les choses soient claires : les gens derrière cette daube ont beau gueuler sur tous les toits qu’ils ignorent 40 ans de franchise, il n’en est rien. Pire encore, ils reprennent ce qui a le mieux marché jusqu’ici dans la saga pour le mêler en un tout incohérent, le classicisme de Carpenter se mariant fort mal à la brutalité dégueulasse de Zombie, qui elle-même n’a aucun rapport avec la posture méta de Williamson. Et pourtant, le film réchauffe le déroulement du premier film, le marie au gore de Zombie et y ajoute une Laurie alcoolo et parano tout droit sortie de H20. 
  Problème : la démarche de Zombie faisait partie d’un tout cohérent visant à ré-imaginer l’ensemble de la franchise, de même que la Laurie de H20 s’accompagnait de questionnements méta autour de l’héritage du premier film. Mêler ces deux aspects dans une franchise, ça marche, chaque épisode a son propre ton et retravaille, dans son cadre bien délimité, ce qui a précédé. La même chose en seul film ? Un merdier.
  On se retrouve donc avec un film qui, à l’image de Zombie, prétend déstructurer toute la recette Halloween, tout en lui rendant un hommage appliqué en recopiant Carpenter parfois au plan près. Déjà, le premier gros souci se pose : il est impossible de déconstruire ce que l’on prend, en parallèle, bien soin de ne pas retoucher. Ajoutez-y à cela des thématiques méta qui viennent s’y greffer lourdement, et l’ensemble a tout du foutoir sans queue ni tête. 

  Parce que voilà : un film qui respecte et qui déconstruit et qui s’interroge sur l’héritage pour mieux le sublimer tout en le démolissant et en s’interrogeant sur cette démolition pour mieux sublimer l’original pour mieux s’interroger pour finalement… Euh, on en était où, déjà ? Si les mecs avaient eu conscience de cette impasse, le film n’existerait même pas. Mais cela voudrait donc dire qu’il a été pensé. Or, la seule motivation derrière ce film n’était de toute évidence pas artistique, mais financière : Carpenter, Zombie et Williamson se sont retrouvés pompés dans tous les sens non pas car leurs apports étaient les plus marquants à la saga mais juste parce que leurs films ont cartonné plus que les autres épisodes.
  À l’image, la démarche est flagrante : je te sers du Carpenter comme base, je t’y ajoute du Zombie, je te le saupoudre de Williamson et puis on verra ce que ça donne. Tant qu’à faire, on y rajoute quelques éléments piochés par-ci par-là au fil de la saga (un meurtre recopié de Halloween 2, un perso secondaire échappé de Halloween 6 et au passage, ce film étant une belle purge, fallait quand même oser y piocher quelque chose mais j’imagine qu’arrivé à un certain point, on n’est plus à ça près). Et puis bien sûr, on oublie pas d’y mettre Michael Myers, et tant pis si on ne sait pas quoi en foutre vu que le malheureux s’y retrouve complètement paumé, triste automate désincarné qui n’a aucune ligne directrice et qui se retrouve donc à dégommer tous ceux qu’il croise à la va-vite, comme un Jason du pauvre (un comble). Myers est un tueur, donc il tue ; comme le Predator chasse et comme le Terminator termine. Lui donner un semblant de corps ? Non mais mon grand, on fait pas du ciné là, on fait du biz’.
  On s’en fout que Myers ait toujours eu, même dans ses pires épisodes, un objectif clair ; comme on s’en fout que McT ait fait du Predator une figure capable de terroriser Schwarzy ou que Cameron ait érigé le Terminator en un questionnement ambulant sur l’Humanité. On est là pour récupérer des figures et te les refourguer à bas prix.
  T’as du sang et des jump-scares ? Bon bah t’as de l’horreur, ça vole pas haut mais ça fera sursauter le pré-ado de base, c’est suffisant pour encaisser son billet. T’as du clin-d’œil, de la référence aux autres films de la saga (tiens, on t’as même mis des gamins avec des masques Silver Shamrock pour titiller le fan de Halloween III, c’est cool nan ?) et une déférence (surjouée et factice) envers le film matriciel ? C’est bon, le fan intégriste (et con, l’un ne va pas sans l’autre) qui surveille sa saga comme s’il en était responsable aura de quoi se palucher sur divers forums, ça aussi ça fera pleuvoir les billets. Peu importe au passage que l’audace et la vision foutent le camp, peu importe que ce soient justement ces éléments qui aient rendu ces diverses figures cultes, tant que le profit immédiat est là, tout va bien.

  Véritable bidon de lessive symptomatique de son époque, Halloween 2018 n’est là que pour contenter le spectateur adolescent occasionnel qui vient se gaver de pop-corns en reluquant le film entre deux posts sur Facebook, et le geek teubé qui refuse que l’on touche à « ses » mythes, sans comprendre que c’est justement l’audace qui a permis à ces mêmes mythes d’exister. Triste constat, triste époque, d’autant plus que ça marche (démarrage record aux States).
  Il ne reste donc plus qu’à assister à l’agonie de Michael Myers, passé à la lessiveuse du capitalisme le plus abrutissant qui soit, en espérant tout de même que cela ne signe pas par extension la mort du slasher. Mais quand on sait qu’une suite est déjà en prépa, c’est hélas probablement le cas.
  Putain, que je hais ce film.

02/09/2018

Musique et littérature : Steven, la figure centrale de l'œuvre d'Alice Cooper

   Des albums-concepts, l’Histoire du rock en compte plusieurs. Mais à ma connaissance, Alice Cooper est le seul à avoir réutilisé un personnage érigé en figure centrale sur plusieurs albums étalés sur près d’une trentaine d’années, épousant donc chacun à leur tour la vague musicale de leur époque, la démarche restant pourtant d’une incroyable cohérence globale.
   Mais procédons par ordre.







   Il y a tout d’abord Welcome To My Nightmare, l’album inaugural sorti en 1975 et qui narre, au gré de onze pistes, un cauchemar duquel le rêveur n’arrive pas à s’extirper. Ce personnage, c’est le fameux Steven qui s’avérera être, pour quiconque sait lire entre les lignes, non pas un enfant comme le laissent croire les premières chansons mais un mari violent coupable du meurtre de sa femme et qui, en conséquence, se morfond dans des délires morbides.
   Puis il y a Goes To Hell, sorti un an plus tard mais qui prend place lors de l’enfance de Steven, dépeignant un enfant apeuré par tout ce qui l’entoure.
   Vient ensuite un silence de quinze ans rompu non pas par un album complet mais par une chanson clôturant l’album Hey Stoopid, à savoir Wind-Up Toy dans lequel nous apprenons que Steven est désormais interné en hôpital psychiatrique, toujours en proie aux mêmes délires morbides dans lesquels il se visualise en enfant prisonnier d’un cauchemar depuis toutes ces années, et assez atteint pour en venir à parler aux araignées qui traversent parfois sa chambre (qu'il qualifie de ses "seules amies").
   Le véritable retour de Steven se fera trois ans plus tard, et en triomphe : non seulement dans l’album The Last Temptation mais aussi dans le roman graphique du même nom scénarisé par Neil Gaiman. Ici, nous y retrouvons un Steven adolescent dans une aventure qui marque véritablement le point de départ de sa descente dans la folie, un conte macabre prenant place dans un théâtre infernal tenu d’une main de fer par une figure qui, selon toute vraisemblance, est le Diable en personne. Théâtre dont Steven parvient à s’échapper, au prix de sa santé mentale déjà fragile qui fout définitivement le camp.
   Nouveau long silence, de quatorze ans cette fois, avant que Steven ne revienne dans Along Came A Spider sous les traits d’un tueur en série particulièrement abject qui s’est mis en tête de tuer huit femmes et de toujours garder l’une de leurs jambes pour s’en confectionner un costume d’araignée. Et même s’il est révélé en fin d’album que tout ceci n’est que le fruit de l’imagination de plus en plus défaillante de Steven, nul doute que sa fin est proche tant sa plongée dans la folie la plus noire a désormais atteint un point de non-retour.
   Fin qui survient trois ans plus tard dans le bien nommé Welcome 2 My Nightmare, histoire de bien boucler la boucle. Steven y meurt, confond l’Enfer avec ses délires macabres avant de finalement comprendre, après avoir retrouvé son vieil « ami » le Diable, qu’il est coincé pour l’éternité dans le plus horrible des trains fantômes.
   Fin, c’était l’histoire de Steven.


   Ce qui marque dans ce puzzle, c’est la place centrale occupée par The Last Temptation, qui en devient la pièce charnière sur laquelle viennent s’articuler les autres. Non seulement dans le fond puisque Welcome To My Nightmare et Goes To Hell sont somme toute des contes macabres à l’imagerie assez classique là où Along Came A Spider et Welcome 2 My Nightmare tapent dans le gore le plus outrancier et la crudité sans fard ; mais aussi dans la forme puisque si les deux premiers répondent à tous les canons du metal des 70’s, les deux autres n’auraient sans doute pas été possible si deux autres figures devant paradoxalement tout à Alice Cooper, à savoir Rob Zombie et Marilyn Manson, n’avaient pas défriché le terrain d’une sonorité et d’une imagerie foncièrement rentre-dedans.
   Et cette pièce intermédiaire, seul disque de hard FM n’ayant aucun « jumeau » musical dans la discographie entourant Steven, est également le seul auquel Alice Cooper ait tenu à adjoindre un roman graphique*. Comme si la démarche autour de cet album précis se devait d’être des plus limpides là où les autres albums pouvaient rester nébuleux et / ou sujets à interprétation.
   Le propos de la bande-dessinée est on ne peut plus clair : engoncé dans une banlieue ennuyeuse, sans perspective d’avenir et sans compagnie intellectuellement stimulante, le jeune Steven ne pouvait que partir en vrille sous une mauvaise influence, sous la coupe de cette figure diabolique certes inquiétante mais aussi tellement plus séduisante que la banalité environnante à laquelle l’adolescent est confronté chaque jour, banalité renforcée par des parents complètement amorphes.
   Seul Neil Gaiman, responsable notamment par la suite d’un Coraline au propos somme toute similaire, pouvait sublimer cette période si marquante de la vie de Steven. À ceci près que Coraline saura combattre la tentation là où Steven s’y vautre, avec les terribles conséquences à venir.
   Mais avait-il seulement la moindre chance, face à ce Diable que Cooper et Gaiman nous dépeignent ? Bien sûr, si l’on ne s’y attarde que de façon superficielle, cette figure malfaisante a les atours habituels du démon : entourée d’horreurs en tous genres, capables de ranimer les morts, se lovant dans la noirceur, etc...
   Sauf qu'à y regarder de plus près... En voyant ce Diable titiller les peurs les plus intimes de Steven en lui agitant sous le nez les plus énormes travers de la société moderne dont il semble pourtant se repaître (soulignés dans l’album par la chanson Lost In America) ; et surtout en prenant en compte l’ultime apparition du personnage dans la chanson Gimme de l’album Brutal Planet (sorti en 2000), autre album-concept du Coop’ renvoyant subtilement à The Last Temptation et dépeignant cette fois-ci un monde post-apocalyptique sur lequel le Diable semble régner et où toute notion de moralité a foutu le camp au profit, justement, du profit immédiat ; se pose la question de savoir comment appréhender ce personnage maléfique.

   Libre à l’auditeur d’y répondre, de choisir sa vision des choses, rien n’est imposé. Mais il n’empêche que derrière l’aspect de simples albums de hard/metal suivant plus ou moins les vagues musicales de leurs époques respectives se cachent peut-être des morceaux bien plus subversifs et subtils qu’ils n’y paraissent de prime abord ; d’autant plus si l’on prend en compte leur fonction première de produits dits de masse qui en deviennent dès lors, possiblement, d’habiles miroirs déformants tendus à la face du monde.


*ce roman graphique a été publié en France par Bulle Dog dans sa version d’origine en N&B, et une version colorisée a récemment été éditée chez nous par Wetta.

29/08/2018

Cinéma : The Strangers - Prey At Night






ATTENTION : CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS.


   Il y a ce dialogue, dans The Strangers – Prey At Night, qui dans un sens conditionne tout le film et sa démarche. À l’une des tueuses qu’elle vient de démasquer, l’une des victimes pose cette question des plus légitimes : « mais pourquoi faites-vous ça ? » ; à quoi il lui est répondu un glaçant « pourquoi pas ? »
   Ainsi, dans ce film, les tueurs n’arborent-ils pas masques et couteaux tranchants pour se venger d’une quelconque rancune comme Jason, ou pour cacher leurs identités dans le but de manipuler leurs proies comme le maniaque du Monstre Du Train, ou encore pour mettre en scène un slasher grandeur nature comme n’importe lequel des meurtriers de la saga Scream. D’ailleurs, ils se fichent bien que l’on voit leurs visages, puisque l’un des membres du trio diabolique du film apparaît pour la première fois à visage découvert devant ses futures victimes. Non, on y porte des masques et on y massacre à l’arme blanche parce que, du moins dans leur optique psychopathe, c’est fun. C’est fun de faire comme au cinéma.
   Le film n’a pas besoin de nous signifier lourdement, à grands renforts de dialogues métatextuels et gavés de références pop (façon Scream, pour l'exemple le plus évident), que les tueurs sont gavés de films d’horreur et plus précisément des plus glorieux slashers des 80’s : il n’y a qu’à les voir procéder en accompagnant leurs méfaits d’une bande sonore qu’ils choisissent eux-mêmes et sur laquelle ils prennent visiblement un pied d’enfer, égorgeant untel sur du Kim Wilde ou poignardant un autre sur du Bonnie Tyler. Parce que les grandes heures du genre, c’était dans les années 80, et pourquoi ne pas faire comme dans les années 80 ? C’est fun, les années 80.
   La démarche des tueurs contamine celle du film, pire, la domine : leur chansons fétiches deviennent la bande originale du film ; le rythme lent mais implacable est mené par eux, et eux seuls ; ils vont même jusqu’à diriger leurs proies aux endroits qu’ils veulent pour exploiter les décors qui leur plaisent le plus, et de préférence du genre illuminés de néons multicolores, façon Miami Vice. Parce que Miami Vice, c’est les années 80 ; et les années 80, c’est fun.
   Il y avait plein de slashers dans les années 80, si ça c'est pas fun...

   On se retrouve donc, peut-être, devant le premier cas de slasher post-moderne. C’est à dire que tout en ayant pleinement conscience du genre auquel il appartient et des codes inhérents au-dit genre, le film ne va pas s’en servir pour les détourner, les souligner, jouer avec eux ou réfléchir à leur propos ; non : il va les pulvériser.
   Le slasher a d’abord été un sous-genre à même de procurer des frissons bon marché, sans pour autant que ses meilleurs représentants ne soient de simples et oubliables sous-produits : le Halloween de John Carpenter, l’exemple par excellence, est là pour le prouver. Puis il est devenu une machine à enchaîner les scènes gores, plus ou moins bien, plus ou moins intelligemment : suivre les évolutions des saga Vendredi 13 et Freddy est à ce titre édifiant ; à peu près autant que le virage rigolard que les deux franchises ont entrepris respectivement avec Jason Takes Manhattan et Le Cauchemar De Freddy, virage qui avait pour but premier de contourner la censure mais qui aboutira sans réellement le vouloir à la catastrophe du néo-slasher, ou slasher méta ; sous sous-genre dont Scream reste encore le meilleur représentant au milieu de tous les Urban Legend et autres Souviens-Toi L’Eté Dernier de niveau plus que discutable. De tristes écarts qui ont bien failli condamner le genre avant qu’il ne connaisse un regain inespéré par le biais d’une vague crue, brutale, naturaliste ; avec le Haute Tension d’Alexandre Aja pour commencer, puis le remake étonnamment bon de Massacre A La Tronçonneuse et surtout les deux Halloween de Rob Zombie, à la démarche ultra-réaliste radicalement opposée à celle plus fantastique de Carpenter, mais néanmoins nécessaire à cette époque. Et tout cela, sans oublier Tous Les Garçons Aiment Mandy Lane et son approche du sujet qui tenait plus de l’étude de caractères que d’une mécanique horrifique trop bien rodée.
   Et The Strangers – Prey At Night là-dedans ? Outre qu’il s’agisse d’un slasher parfaitement assumé faisant suite à un premier film qui ne se revendiquait jamais comme tel pour préférer se dissimuler sous les oripeaux plus respectables du home-invasion ; l’on ne peut que remarquer qu’il est l’amalgame de toutes ces vagues, tout en réduisant leurs éléments les plus marquants à leur portion congrue.
   On s’y balade avec un masque non pas pour cacher son identité (comme dans Meurtres A La Saint-Valentin ou Rosemary’s Killer ; pour ne citer que les exemples les plus connus de cette période) ou une difformité (comme le tueur de Massacre Dans Le Train Fantôme), mais tout simplement parce que comme l’avait compris Michael Myers dès 1978, le port d’un masque fait peur. Les mises à mort y sont douloureuses et chaque coup porté fait mal comme dans un Rob Zombie, non pas parce qu’il faut réveiller le genre après des années de néo-slasher moribond, mais tout simplement parce que crever, c’est pas beau à voir. Les tueurs se comportent comme leurs glorieux prédécesseurs non pas pour livrer une quelconque réflexion sur les codes du genre mais juste parce qu’après tout, pourquoi pas ? C’est fun de se comporter comme les plus grands cinglés du genre.

   Du moins jusqu’à ce qu’une des victimes ne se rebelle et contre-attaque avant de fuir, toujours, sans jamais se retourner.
   Et c’est peut-être là que le film se montre le plus malin, pour aller au-delà d’un simple revival qu’on aurait pu suspecter de prime abord. Car derrière les plans soignés en cinemascope et la musique électronique élégante qui doivent tout à John Carpenter se cache sans doute l’hommage le plus subtil au maître : après tout, derrière l’aspect sans conséquence de son Halloween se cachait une attaque en règle des banlieues bourgeoises et soi-disant respectables de l’Amérique blanche cachant tant bien que mal de sombres secrets ; un aspect que l’on retrouvera dans d’autres grands titres du genre comme Les Griffes De La Nuit, Scream premier du nom ou Mandy Lane. Même un sous-produit comme le premier Souviens-Toi L’Eté Dernier avait saisi cet élément inhérent aux meilleurs slashers : l’empilement de victimes doit révéler un propos subversif, la forme doit souligner le fond.
   The Strangers – Prey At Night ne l’a pas oublié non plus, et si son propos n’est pas similaire à celui du chef-d’œuvre séminal de John Carpenter, il n’en demeure pas moins qu’il sait se réapproprier sa subtilité pour asséner le sien.
   Car voir ces meurtriers coincés dans un glorieux passé, les 80’s plus précisément dont l’esthétique contamine tout le métrage, et persécuter quiconque leur passe sous la main ne résonne-t-il pas étrangement à l’heure des revivals inconséquents et bassement mercantiles de cette période (coucou Strangers Things, coucou Ça), et surtout à l’heure où les U.S.A. se rêvent à nouveau reaganiens à grands coups de « Make America Great Again » ?
   Dans ce cas, ne reste plus qu’à faire comme la survivante du long-métrage : affronter cette image fantasmée, la confronter, et aller de l’avant au lieu de se lover dans un passé à la nostalgie lénifiante, un passé dont les néons racoleurs cachent de plus bien difficilement de grandes giclées sanglantes foncièrement dégueulasses.

17/08/2018

Littérature : The Dark Prince Charming








ATTENTION : CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS.


   Inutile de revenir sur le fait que Batman et le Joker sont des antagonistes parfaits, le sujet à déjà été décortiqué en long et en large et de toute façon, la chose est évidente pour quiconque connaît un tant soit peu les deux personnages.
   Batman est un justicier, le Joker est un criminel. Batman est une armoire à glace, le Joker est efflanqué. Batman est tout de noir vêtu, le Joker est chatoyant. De Batman, tout le passif est connu de son enfance à sa formation de justicier alors que le Joker est une énigme ambulante. Mais il existe un aspect de ce jeu des différences qui est moins exploité, moins mis en lumière mais qui pourtant est peut-être le plus fascinant : dans un sens, le Joker est sans doute bien plus humain que le dévitalisé Bruce Wayne.
   La vie de Bruce a un aspect robotique, toute son existence étant désormais dédiée à faire régner la justice au détriment de toute autre considération, immanquablement destinée à être reléguée au second plan. L’élément le plus significatif de cet état de fait tient sûrement dans la comparaison de la vie sentimentale des deux personnages : là où Batman et Catwoman mènent un jeu de séduction qui tient plus de « suis-moi, je te fuis » que d’une vraie relation, là où Batman n’a été fichu de faire un enfant qu’à la seule femme avec laquelle tout avenir est impossible (Talia Al Ghul, fille de l’un de ses pires ennemis) ; le Joker peut se targuer d’être en couple depuis des années avec Harley Quinn. Un couple toxique bien entendu, une relation malsaine et abusive de laquelle Harley peine à s’extraire pour finalement replonger dans les bras de son « poussin » au bout d’un temps plus ou moins long, mais il n’empêche, une relation tout de même relativement stable.
   Et pour continuer sur cette considération, comment ignorer la possibilité d’une attirance homosexuelle plus ou moins assumée de la part du Joker envers Batou. Si Frank Miller a été celui qui a le plus clairement souligné la chose via son Joker androgyne et aguicheur dans The Dark Knight Returns, la question revient souvent et sert, pour beaucoup de fans, à démontrer que le Joker a besoin de Batman pour exister alors que l’inverse n’est pas viable, et ce pour une raison simple : la sexualité de Bruce Wayne étant réduite à sa portion congrue, il ne peut que rester hermétique aux manœuvres du Joker.
   Oui, mais... Et si, au fond, Batman n’était pas si insensible au Joker ? Peut-être pas à ses charmes, mais au moins à son existence ? Et si Batman avait tout autant besoin du Joker pour exister ? La question a déjà été posée par le jeu vidéo Arkham Knight, et la réponse fut claire : Batman sans sa némésis n’est plus vraiment Batman, au point de devoir l’invoquer mentalement pour retrouver toute sa fougue. Et quand au final il fait définitivement disparaître son cher ennemi, la carrière de Batman prend immédiatement fin.
   Cette question est à nouveau posée par Marini dans son Dark Prince Charming et, s’il ne se montre pas aussi radical dans sa démonstration, il est évident que sa réponse est la même, bien qu’il la souligne beaucoup plus subtilement.

   Le Joker vu par Marini n’a sans doute jamais été si humain : en plus de faire part de toute une palette d’émotions, en plus d’être drôle et même relativement prévenant envers Harley Quinn, il est surtout vivant. Aucune surprise donc à le voir tirer toute la couverture à lui au fil de pages le dépeignant comme un incontrôlable chien fou avide de mordre (et surtout de déchiqueter) la vie à pleines dents. À contrario, Batman y apparaît effacé, presque absent, une sombre silhouette qui ne s’attarde même pas à offrir un semblant d’affection à Catwoman pour lui préférer les hauteurs de Gotham depuis lesquelles il peut surveiller les bas-fonds avant de s’y ruer avec brutalité.
   Un robot, un véritable Terminator sans la moindre once d’humanité. Une machine à laquelle on ne daignerait pas lui accorder la possibilité d’une vie de famille et encore moins d’une vie amoureuse… Jusqu’à ce qu’une enfant fasse son apparition.
   Une fille, qui pourrait bien être la sienne et envers laquelle sa réaction première est le déni tant son existence est la preuve que derrière l’aspect d’androïde froid qu’il aime à arborer, Bruce Wayne demeure un homme capable de « fauter » avec une femme de passage, avec les conséquences qui peuvent en découler.
   Incroyable : Bruce Wayne peut parfois s’envoyer en l’air. Bruce Wayne est humain, même s’il prétend le contraire.
   Inutile de dire que le Joker ne se gêne pas pour sauter sur l’occasion : il kidnappe la gamine et, après une première confrontation avec son meilleur ennemi (lors de laquelle Marini pousse l’ambiguïté sexuelle du Clown Prince du Crime avec une outrance plus magnifique encore que celle de Miller), nous retrouvons le vrai Batman, le super-héros charismatique, fougueux et furieux qui ne se contente plus de surveiller Gotham mais la fait plier sous sa puissance pour y régner avec une vigueur incontestable, la dominant sans vergogne. La métaphore n’a même pas besoin d’être soulignée tant elle est évidente.
   De là à dire que l’attirance homosexuelle du Joker pour Batman est réciproque, il n’y aurait qu’un pas à franchir que Marini se garde bien de faire, quand bien même il enclenche le mouvement d’une enjambée grandiose par le biais de ce twist sidérant : cette petite fille n’est probablement pas celle de Wayne, mais du Joker. Batman et son ennemi ont donc partagé la même femme, et il en a résulté cette enfant illégitime que Bruce finit par adopter. On aura tôt fait de qualifier la petite d’enfant de « l’amour » entre les deux personnages, mais son véritable intérêt est ailleurs.
   Car au détour d’une scène, lorsque Batman apprend la véritable affiliation de la gamine, on ne peut que comprendre qu’il sait qui est véritablement le Joker. Le secret de son identité est bien gardé de tous (et des lecteurs) dans l’univers DC mais la vérité, c’est que Batman la garde pour lui, pour s’en réserver l’exclusivité, en faire une sorte de lien entre eux, car il ne sait que trop bien pourquoi il n’arrive jamais à se débarrasser du Joker : si ce dernier ne pourrait certes pas exister sans Batman, celui-ci n’est pas vraiment lui-même sans son ennemi favori, le seul être au monde qui soit capable, par un paradoxe superbement dérangeant, de réveiller son humanité.
   Dès lors, la question se pose : le Dark Prince Charming de Marini est-il bien celui auquel on pensait en ouvrant le livre ?

10/08/2018

Littérature : Une Fille Comme Les Autres







  Demandez à n’importe qui de vous parler d’écrivains horrifiques, vous obtiendrez toujours les mêmes résultats. La grande majorité citera Stephen King, bien évidemment, ce qui est on ne peut plus compréhensible au vu de son apport à la littérature en général et au genre en particulier, sans compter toutes les adaptations cinés (plus ou ou moins réussies) de son œuvre qui ont quasiment fait de son nom une marque. Les plus élitistes causeront de Clive Barker, les plus classiques citeront Lovecraft ou Poe, les plus scolaires évoqueront Matheson, les plus romantiques parleront d’Anne Rice, et les plus jeunes (ou les moins avertis) sortiront spontanément le nom de R.L. Stine (et il n’y aura d’ailleurs aucune honte à cela, Stine étant sans doute le plus injustement mésestimé du lot, mais c’est un autre sujet).
  Mais pas un ne prononcera le nom de Jack Ketchum.
  La qualité de son œuvre n’est pourtant pas sujette à débat, et il y a d’ailleurs fort à parier que les lecteurs les plus éclairés finiront par vous en parler… Mais rarement en premier choix. À cela une raison simple : les œuvres les plus marquantes de Ketchum sont des purs moment d’horreur, et non d’épouvante.
  Bon nombre des auteurs cités ci-dessus ont souvent œuvré dans les deux genres, leur apportant à chacun des morceaux d’anthologie. Après tout, pour en revenir à King, enlevez la simple mention de la télékinésie dans Carrie et vous obtenez une étude communautaire aussi captivante que déstabilisante. Et puis bien sûr, il y a Misery, Stand By Me, ou plus récemment Joyland.
  Et pourtant, concentrez-vous sur King lors de votre discussion et votre interlocuteur vous parlera bien plus volontiers de Grippe-Sou le clown ou d’une Plymouth rouge surnommée Christine que d’Annie Wilkes, l’ex-infirmière psychopathe et tortionnaire de Misery passée maîtresse dans l’art de l’amputation (ou le cassage de chevilles dans le film). Et ce phénomène ne se limite pas qu’à King : même le fan le plus assidu de Barker évoquera Pinhead, le revenant au crâne clouté issu de Hellraiser avant de vous parler de Mahogany, le boucher beaucoup trop appliqué du Train De L’Abattoir. Pour une raison simple : l’horreur passe beaucoup mieux quand elle prend les atours de l’épouvante, c’est à dire du conte, de l’allégorie ou de la métaphore.
 Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle n’en demeure pas moins effrayante, que le mal prenne des atours surnaturels ne le rend pas moins maléfique, et donc moins malsain ; mais juste plus facile à appréhender. Il est facile de détester un monstre, un vampire, un fantôme, un démon ou tout ce que vous voulez. Mais que se passe-t-il quand le mal ne se masque pas et montre son vrai visage, terriblement humain ? C’est là toute la question derrière Une Fille Comme Les Autres.

  Car Ketchum ne tourne pas autour du pot, ne cherche pas à vous offrir une figure facile à haïr aux atours immédiatement repoussants, non : il ne triche pas, ne modifie pas, il vous balance en pleine figure que les monstres existent, mais qu’ils ont le visage de la mère de votre meilleur pote toujours prête à vous accueillir avec un grand sourire et un soda au frais, de votre meilleur pote aussi tant qu’on y est, de vos voisins que vous connaissez vaguement et, pire… du vôtre.
  Pareille affirmation ne pourrait fonctionner si elle était balancée sans sommation, et là repose tout l'affreux savoir-faire de Ketchum : préparer le terrain. Il est bien gentil, l’auteur, à nous évoquer ce groupe de copains, les journées ensoleillées à la fête foraine, la petite nouvelle du quartier qui a de plus l’avantage d’être très mignonne ; mais en achetant ce bouquin vous vouliez du sang, du sensationnalisme, bref de l’horreur. Et Ketchum va y répondre positivement, et même ô combien positivement : avant que vous ne vous en rendiez compte, la petite nouvelle se retrouve ligotée nue au fond d’un sous-sol et se fait pisser sur la gueule. De quoi tu te plains, c’est bien ce que tu es venu chercher, non ? Une simple interrogation rhétorique, cruelle, qui s’avère dévastatrice puisqu’elle met le lecteur aussi bien à place du bourreau que de la victime : oui, c’est bien ce que je cherchais, mais est-on obligé d’aller si loin ? Qu’est-ce que j’ai fait pour subir ça ?
  Mais cet étalage de folie est fascinant, étrangement hypnotique, il semble vous mettre au défi de voir jusqu’où vous serez capable de vous aventurer dans le cauchemar. Et donc vous continuez de tourner les pages sans véritablement le vouloir, de plus en plus dévitalisé au fil du récit avec pour seule compagnie le maigre espoir, toujours plus vain chapitre après chapitre, que les choses vont finir par s’améliorer, que ça ne peut logiquement pas aller en empirant, qu’il est impossible d’aller plus loin dans l’infâme. Avant que vous n’ayez pu réagir vous êtes devenu corps et âme le protagoniste principal du récit, ce jeune voisin amorphe qui est tout aussi subjugué que dégoûté par ce qui se déroule autour de lui ; et qui se résout presque à attendre que ça passe comme vous vous résignez à atteindre la fin du livre.

  Sans que vous ne l’ayez vu venir, Ketchum vous a renvoyé votre propre beauferie en pleine tronche en retournant vos bas instincts contre vous, votre besoin de voir sans pour autant l’assumer ; et ce mauvais génie va même pousser le bouchon jusqu’à vous réserver un faux répit : sous la forme d’un très court chapitre, très succinct, le pire des sévices y est évoqué mais, à l’inverse des autres, jamais détaillé. Libre à vous de l’imaginer, ou pas, et de gérer votre conscience en fonction de votre choix. De toute façon, il est déjà trop tard puisque si nous en sommes arrivé là, c’est bien de votre faute : il fallait réagir plus tôt, il ne fallait même pas ouvrir ce bouquin. Il fallait se tenir éloigné de la Tante Ruth et de sa marmaille, de ce clan bien trop incestuel pour être honnête ; il fallait se tenir éloigné de ce livre et de ses promesses douteuses.
  Démarche magnifiquement méta qui laisse le lecteur pantelant, confus, assommé quand bien même, en fin de compte, on ne lui aura pas tout raconté à propos du calvaire de cette pauvre fille puisque le livre ne sombre jamais dans le torture-porn de bas étage : mais ce qu’il raconte est déjà bien suffisant. Que le lecteur fut méprisable de vouloir des sensations fortes à ce prix.

  Un prix qui est l’explication de la moindre renommée de Ketchum par rapport à ses confrères : personne n’aime qu’on lui tende un reflet aussi peu flatteur, se réfugier derrière les figures paradoxalement plus rassurantes des démons en tous genres est bien plus confortable. Le mal, c’est l’autre, ce n’est pas moi.
  Mais enrober le fond du problème, Ketchum s’en fout. Il n’est pas là pour arrondir les angles, il est là pour vous claquer la tête dessus. Car l’horreur, la vraie, est humaine. Tout le génie de Ketchum est là : avoir écrit un livre profondément horrible, car profondément humain.