30/12/2020

La trilogie Firefly, ou l'art de faire tomber les masques selon Rob Zombie

Puisque l'intégralité de la Trilogie Firefly de Rob Zombie vient de sortir en Blu-Ray, retour sur une saga qui, derrière ses atours de gros défouloir bordélique, cache en vérité une nature de trickster aussi assumée que maîtrisée.
Avant toute chose, il faut savoir que la notion de trickster est vaste, très vaste, et mériterait à elle seule tout un article (et peut-être même un dossier). Pour la faire courte, disons qu'il s'agit d'un archétype narratif présent depuis la nuit des temps, théorisé par certains grands intellectuels (Carl Jung notamment), et dont l'essence friponne agit tel un miroir déformant afin de faire tomber les masques au travers d'une remise en question aussi violente que nécessaire. 
Mais en quoi la trilogie du sieur Zombie répond-elle à ces critères ? Éléments de réponse.



LA MAISON DES 1000 MORTS (2003)


"Howdy Folks ! You like blood ? Violence ? Freaks of nature ? Well then, come on down to Captain Spaulding !"

- Captain Spaulding


C'est sur ces mots que s'ouvre le premier film de la saga, et ils ont donc valeur de note d'intention pour toute la trilogie. La chose est posée dès le début : si vous cherchez la merde, vous allez l'avoir ! Reste à savoir quelle forme elle prendra, et que l'invective soit balancée par un joyeux clown qui dès la scène suivante discutera d'obsédés sexuels avant de flinguer quelques braqueurs aurait tendance à signifier le caractère ambivalent de l'invitation...
 
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, un retour s'impose sur la production houleuse du film : lorsqu'Universal fait appel à Rob Zombie en 2000 afin qu'il ne conçoive une maison hantée pour leur parc d'attraction, celui-ci en profite pour leur pitcher son projet de film. Assez vite, il reçoit un budget confortable doublée d'une carte blanche et après tout, pourquoi pas ? L'homme a gagné ses galons de rockstar grâce à son groupe culte White Zombie, et son premier album solo intitulé Hellbilly Deluxe s'est vendu à des millions d'exemplaires. Avec une telle fanbase, Universal cède donc sans moufter... Avant de se raviser lorsque les premiers rushs tombent. Les costards-cravates de la boîte se rendent alors compte de ce qu'ils ont fait, à savoir filer les pleins pouvoirs à un fou furieux qui ne compte pas leur offrir un gentil produit horrifique aussi exploitable qu'oubliable. Complètement flippés, les mecs suggèreront à Zombie de concentrer son film sur le petit groupe d'ados persécutés par la famille Firefly plutôt que sur les membres de cette lignée démoniaque, ce à quoi Zombie répondra avec diplomatie : "non mais, on s'en branle des ados !"
Cette fois-ci flippés et énervés, les responsables d'Universal saccageront le tournage en ouvrant le plateau (situé à proximité du parc d'attraction) aux visites touristiques, ruinant ainsi nombre de prises. Comme si cela ne suffisait pas, ils laisseront traîner le produit fini dans leurs tiroirs durant plus d'une année, forçant Zombie à le racheter de sa poche pour le proposer à d'autres distributeurs. La MGM se porte alors acquéreuse, avant de flipper à son tour devant le caractère d'électron libre du bonhomme. S'ensuit un nouveau changement de propriétaire, le film tombant alors dans l'escarcelle de Lionsgate, qui saura le vendre avec assez d'habileté  pour qu'il soit immédiatement rentable.

"Quel joyeux bordel, quand même !"

La peur d'Universal était-elle compréhensible ? Au vu du résultat, la réponse est clairement oui, tant Zombie se fiche en effet de ses jeunes protagonistes. En choisissant d'ouvrir son film sur l'invitation de Spaulding, en l'iconisant à mort lors d'un prologue frappadingue, le réalisateur fait de son personnage un véritable guide qui entrouvre les portes d'un univers aussi dangereux que fascinant, si bien que le petit groupe de jeunes qui débarque après le générique d'ouverture n'a dès lors plus que les atours d'une aimable convention horrifique à laquelle s'accommoder avant de retrouver Spaulding et ses délires. Et lorsqu'il les oriente enfin sur les traces du mystérieux Docteur Satan après un petit tour dans son train fantôme aussi azimuté que réjouissant, le mal est fait et il est irrémédiable : en effet, on se fiche de ces ados.
À partir de ce moment, peu importe que l'arrivée dans la demeure Firefly ne soit guère rassurante : tel un gosse effrayé par une histoire de fantôme mais pourtant incapable de s'en détacher, le spectateur ne peut qu'être irrésistiblement captivé par les membres de cette famille d'allumés. Les jeunes protagonistes du film ne sont pourtant pas désagréables ni odieux (à l'exception de l'une d'entre eux, complètement antipathique), ils sont juste affreusement fades en comparaison des Firefly.

Faut dire qu'elle a quand même plus de gueule que *insérer ici jeune adolescente type*

Arrive alors Otis, fils aîné de la famille, qui balance une question rhétorique qui a valeur d'ultime avertissement : "je suis prêt à parier que vous plongeriez la tête dans le feu si je vous disais que vous pourriez voir l'Enfer !" La réponse apportée par le film n'est guère agréable, puisqu'elle renvoie le spectateur à son propre sadisme : nous savons ce qui attend ces jeunes gens, et nous bavons d'impatience. Sans même qu'il ne s'en soit rendu compte, le spectateur a donc pris la place des tueurs non seulement en délaissant les victimes mais surtout en désirant les voir morfler plus encore.
La bascule est plus que jamais effective lorsque Spaulding assume de nouveau son rôle de guide doublé de fouteur de merde en envoyant la police vers la ferme Firefly, pour une investigation qui inverse définitivement les valeurs : les deux flics chargés de l'enquête sont trop sûrs d'eux, arrogants, incompétents ; et voir Otis s'occuper de leur cas au rythme d'un vieux standard country a quelque chose d'irrésistible. 

"Oui bonjour, c'est pour quoi ?"

À partir de là, Zombie peut tout se permettre, et il en rajoute même jusqu'à l'écœurement : puisque le spectateur a accepté de plonger la tête dans le feu et puisqu'il aime se cramer, le réalisateur ouvre grand les portes du cirque teasé par Spaulding : monstres divers et variés (dont le fameux Docteur Satan), cérémonies sataniques, exactions sanglantes... Il s'agit là d'un véritable foutoir des plus éreintants, d'autant plus que Zombie accorde à ses tueurs quelques intervalles où, filmés face caméra, ils s'adressent directement aux spectateurs pour les convier à la fête. 
L'expérience est aussi jouissive qu'exténuante, puisqu'il s'agit d'une plongée sans fard dans le besoin de noirceur niché en chacun : les gens de tous les jours sont certes inoffensifs mais fades ; les flics tentent d'être protecteurs mais restent sans relief quand ils ne sont pas foncièrement infects ; et seuls les fous furieux paraissent fascinants tant leur façon d'agir est libérée de tout carcan. Lorsque vient la fin du film, le spectateur est aussi désorienté que l'ultime survivante : hagard et ne sachant plus vraiment ce qu'il est venu chercher, ni même s'il a d'ailleurs bien fait de venir. Le voyage s'achève donc logiquement sur la réapparition de Spaulding, ce fripon qui savait très bien quel serait le terminus, et qui se fait même un plaisir de retourner au point de départ.
"Vous aimez le sang, la violence, les monstres et les malades mentaux ? Alors venez me voir !", disait-il en introduction. Le problème, lorsque la conclusion arrive, est que l'on ne sait absolument plus qui est qui. Et la suite de la saga ne fera qu'entériner ce constat...



THE DEVIL'S REJECTS (2005)


"I'm the Devil, and I'm here to do the Devil's Work."

- Otis Driftwood


La Maison des 1000 Morts étant vite rentabilisé, Lionsgate n'hésite pas à laisser carte blanche à Zombie pour une suite. Immédiatement, pour un œil externe à l'affaire, une question se pose : puisque le réalisateur se fiche des jeunes héros tout autant que les spectateurs, comment bâtir un nouveau volet des (més)aventures de la famille Firefly ? La réponse est dans la question : justement en recentrant le film sur les bad guys, ce qui implique de leur laisser infuser tout le projet afin d'approfondir la démarche bravache de la saga. Et puisque reproduire le postulat de La Maison des 1000 Morts serait aussi vain que contre-productif, Zombie a le bon sens de déléguer les rênes à un autre guide, un autre trickster, et pas des moindres puisque c'est Otis qui prend cette fois les commandes. Agissant tel un général lors de l'assaut sur la ferme Firefly qui ouvre le film, il conservera sa place lors d'un final dantesque où il conduit une voiture qui file à toute vitesse sur un barrage de flic.

"On va bien se marrer, vous allez voir !"

Si le choix de starifier à ce point Otis semble de prime abord ne répondre qu'à une logique purement commerciale (le personnage est devenu culte dès le premier volet), il suffit de creuser le contexte du film pour discerner que la démarche est tout autre. Déjà dans La Maison des 1000 Morts, Otis était présenté comme un "hommage" à Charles Manson : porté sur les grands discours plus ou moins profonds, leader d'un culte satanique, doté d'un égo surdimensionné qui lui fait croire (ou plutôt se rendre compte) qu'il est le cauchemar de l'Amérique ; Otis était tout désigné pour guider une cavale qui prend place à la charnière de deux époques. Car le film se déroule en 1978, alors que l'utopie hippie paraît déjà bien loin, justement annihilée par les exactions de Manson dont Otis reprend les paroles légendaires. De plus, en plaçant ainsi son œuvre à l'orée des années 80, Zombie peut se permettre de reprendre certains codes télévisuels que cette décennie fera passer dans le langage narratif : ainsi, les flashs infos, talk-shows et reportages qui parsèment le film sont autant d'interludes qui servent moins à recontextualiser l'époque qu'à imposer une vision lénifiée et souvent larguée de l'affrontement en cours.
Car là est le cœur du film : The Devil's Rejects n'est pas tant le récit d'une cavale que celui d'une opposition entre deux camps irréconciliables, et prêt à toutes les bassesses pour arriver à leurs fins. Si Zombie ne manque jamais de rappeler que les Firefly sont de dangereux fous meurtriers, notamment au travers du long calvaire d'un groupe de country qu'ils prennent pour cible, le sheriff qui les traque ne vaut guère mieux : prêt à magouiller les règles de garde à vue pour massacrer Mother Firefly et sans scrupules lorsqu'il s'agit de faire appel à des ex-taulards ultra-violents pour lui prêter main forte ; le personnage est surtout doté d'une conception bien personnelle de la justice qui le pousse à martyriser les Firefly avec plus de sadisme qu'ils n'en démontrent eux-mêmes (et pourtant, le niveau est élevé). Là où le précédent film jouait la carte de l'horreur outrancière et presque cartoonesque pour désorienter son public, The Devil's Rejects refuse tout esthétisme et plonge dans la violence la plus crue et insupportable, celle qui fait mal mais qui colle la trique aux détraqués de tous bords.

Un sheriff très porté sur l'Ancien Testament...

Ce déchaînement de fureur aveugle pourrait d'ailleurs passer pour un juste retour des choses dans un autre genre de film, comme un vigilante-flick par exemple ; mais la chose est ici impossible tant Zombie a eu l'intelligence de plonger les spectateurs au cœur des exactions nauséeuses du clan Firelfy. Être confronté à des délires similaires de la part d'un autre personnage devient donc inacceptable et ne peut que renvoyer dos à dos les pourris et celui qui les traque ; en un affrontement qui est donc couvert et immortalisé par une cohorte de journalistes ignares et serviles, déblatérant quelques banalités tandis que les deux camps se livrent une guerre sans merci.
Comme si cela ne suffisait pas, ce déferlement de cruauté contamine presque tous les personnages du film : du maquereau tyrannique aux adjoints serviles, en passant par les putes à la morale usée jusqu'à la corde et les ex-taulards alcooliques, rien ni personne n'est à sauver à l'exception des pauvres gens pris entre deux feux. Et pareil constat, situé à l'orée d'une décennie qui signera l'avidité des caméras et le début de la surmédiatisation sur les cendres de l'idéologie hippie, ne tient-il pas du cauchemar américain cher à Otis ?
Les masques tombent à nouveau : il n'y a plus ni bien ni mal, juste le chaos partout et pour longtemps, et le final sur fond de Free Bird de Lynyrd Skynyrd est moins un panégyrique des Firefly que celui d'une époque révolue et à jamais irrécupérable, une période à l'utopie branlante que ce trickster malgré lui de Charles Manson aura d'ailleurs mis en évidence. Pas étonnant que Quentin Tarantino, qui lui aussi auscultera cette période décisive dans Once Upon a Time in Hollywood, ait vu dans The Devil's Rejects le meilleur film de 2005 tandis que Stephen King, autre scrutateur zélé de la mauvaise conscience US, l'ait placé dans son top 10 de l'année.

La fin d'une époque

Si La Maison des 1000 Morts était un rictus infligé au public et à sa soif de sang, The Devil's Rejects est un véritable doigt d'honneur adressé aux croyants de tous poils, à tous ceux convaincus de détenir la seule vérité sans se rendre compte qu'ils ne font que se vautrer dans la médiocrité et la tyrannie, et à tous ceux qui les confortent plus ou moins sciemment.
Après une démarche aussi enragée et radicale, le tout était de savoir sur quelle base Zombie allait continuer sa saga. Et si pendant quinze ans personne ne se permit même d'y penser tant le final de The Devil's Rejects semblait définitif, l'artiste se chargera pourtant de se rappeler aux mauvais souvenirs de ceux qui espéraient (ou craignaient) ne plus jamais revoir les Firefly en action...



3 FROM HELL (2019)


"Look, suit : I gotta do what I gotta do. It's my rules or the Grim Reaper comes a-rollin' thru in a big black Cadillac : "Hey bitch, hop in !" You dig ?"

- Baby Firefly


Presque quinze ans se sont écoulés, durant lesquels Rob Zombie a eu le temps de pondre un remake incompris de Halloween doublé d'une suite encore plus aboutie (et donc encore plus incomprise), un Lords of Salem aussi expérimental que fascinant et un 31 passé inaperçu. Et les Firefly ? Apparemment exécutés lors du dernier acte de The Devil's Rejects, ils ont acquis en moins de vingt ans une aura culte qui les a hissé dans le panthéon de la pop-culture horrifique. Leur retour était aussi inattendu qu'imprévisible, et c'est donc ainsi que Zombie dirige son film afin de désamorcer toutes les attentes.

"Guess who's back ?"

Pour commencer, il parvient à esquiver avec habileté la manière dont la famille a pu survivre à un déluge de balles, en reprenant mine de rien le postulat de La Maison des 1000 Morts lors de l'intro : les Firefly sont de retour parce que le public les vénère, et la succession de témoins factices qui chantent les louanges de la famille lors des premières minutes a tout autant valeur de clin d'œil que de petite pique bien placée envers les fans, qui semblent avoir oublié que les Rebuts du Diable n'ont rien d'anti-héros qui incarneraient quelque valeur revancharde et salvatrice, mais qu'il s'agit plutôt de gros malades incontrôlables. 
En toute logique, après avoir resservi le propos du premier film au travers du discours ambigu de Captain Spaulding aux journalistes (seule scène du regretté Sid Haig, mort au début du tournage), Zombie synthétise The Devil's Rejects durant près d'une heure en déléguant de nouveau les rênes à Otis. Et c'est peu dire que sa seule présence de cauchemar américain pousse tous ceux qu'il croise dans leurs derniers retranchements afin de révéler leurs vrais visages. Le portrait n'est guère flatteur : jeune ou vieux, riche ou pauvre, homme ou femme, blanc ou noir, progressiste ou réactionnaire, tout le monde en prend plein la gueule pour pas un rond au travers de personnages plus consternants les uns que les autres.

"Et après, on dira que c'est moi le clown..."

Mais après avoir compilé ses deux premiers films durant près d'une heure et quart, que peut bien faire Zombie ? La réponse est assez surprenante, et elle passe par Baby. Car si La Maison des 1000 Morts était incontestablement le film de Spaulding (bariolé et faussement avenant) tandis que The Devil's Rejects était celui d'Otis (rude, sec et impitoyable), 3 From Hell est celui de Baby, le personnage le plus lunaire et sensible (toutes proportions gardées) du clan.
Durant la première partie , la simple présence de Baby en prison canalise tous les enjeux du film : c'est pour elle que son cinglé de frère déchaîne les Enfers, c'est elle qui capte les caméras de par sa beauté, et son comportement insaisissable désarçonne tout autant les autorités que les petites mains serviles du pénitencier. Juristes, directeur et matonnes sont tout simplement incapables d'appréhender pareil électron libre, et les masques tombent un à un en révélant au mieux l'incompétence d'un système bancal, au pire la cruauté de ceux qui l'appliquent.

"Même menottée, je peux encore foutre la merde !"

Lorsqu'elle s'évade enfin, le cœur du film bat de plus belle au travers de scènes douce-amères dont elle est toujours le pilier : qu'elle interroge l'héritage de Spaulding au détour d'un dialogue étonnamment posé et mélancolique, qu'elle se confie avec candeur à un freak amoureux d'elle dont elle met en évidence la tendresse, ou qu'elle pousse Otis à révéler un héroïsme insoupçonnable, elle est un personnage aussi profond qu'ambivalent qui porte le film en éclairant les meilleurs aspect de ses protagonistes.
Peut-être est-ce d'ailleurs le véritable propos de 3 From Hell : à l'heure où les grands studios multiplient les entreprises au féminisme larvé qui portent en étendard des héroïnes aussi fadasses que leurs homologues masculins des décennies précédentes, Zombie a l'audace de balancer un perso qui n'obéit à aucun agenda, mais dont la richesse en tant que femme ambivalente porte le film de par la considération sincère avec laquelle il met en scène tous les aspects de sa personnalité.
En comparaison des démarches respectives de La Maison des 1000 Morts et The Devil's Rejects, c'est peut-être peu. Mais à une époque où nombre d'entreprises artistiques sont aseptisées par un cahier des charges socio-politique à la sincérité de façade, il y a quelque chose de salvateur à démontrer que cocher des cases ne sera jamais productif, et que le seul moyen d'accoucher d'œuvres intéressantes consiste à prendre en considération toute la complexité et les nuances du monde.

"Coucou Hollywood ! Des questions ?"


Les Firefly en resteront-ils là ? Difficile à dire : après tout, la fin de 3 From Hell est bien plus ouverte que celle de The Devil's Rejects. Il y a donc fort à parier que tant qu'il restera des masques à faire tomber, des figures d'autorité galvaudées à démolir et des cases à exploser, Otis et Baby seront planqués quelque part, prêts à foutre un joyeux et nécessaire bordel dont eux seuls ont le secret...

"On reviendra vous faire chier, comptez sur nous."

23/12/2020

On est mal barrés : le bébé de Rosemary est devenu complètement débile

   Le récent visionnage de La malédiction de la Dame Blanche, énième itération du Conjuring-verse, m'aura au moins permis de mieux cerner l'énorme problème d'une bonne part du cinéma horrifique de ces dernières années. Ce problème serpentait depuis quelques temps au cœur de ce que l'on pourrait qualifier de production mainstream du genre, et le succès assez phénoménal du Conjuring-verse, qui en est l'étendard, charrie de facto quelques questionnements. Il ne sera donc pas question ici de films indés comme (par exemple) The Witch, ni même de productions confidentielles souvent reléguées au marché de la VOD ou du streaming. Mais avant d'en venir à ce Conjuring-verse considérable (sept films tout de même, huit si l'on compte le Conjuring 3 à venir l'année prochaine), il convient de faire un bond dans le passé, vers une fenêtre d'une dizaine d'années comprise entre la fin des 60's et celle des 70's.

   C'est en effet à cette période que sortent presque coup sur coup Rosemary's Baby (Roman Polanski / 1968), L'Exorciste (William Friedkin / 1973) et La Malédiction (Richard Donner / 1976). Trois grands succès à l'imagerie satanique assumée et aux thématiques religieuses prégnantes, réalisés avec une telle maîtrise qu'ils infusent toujours le genre dès qu'il est plus ou moins question de religion.

 

   Néanmoins, cette qualité formelle ne suffit seule à expliquer leur influence : à l'époque de profonds bouleversements socio-politiques, ces films avaient l'audace de jeter de l'huile sur le feu au travers d'une profonde remise en question de la religion doublée d'une attaque en règle des castes dominantes. C'est ainsi qu'un immeuble de standing cache une secte prête à persécuter une femme enceinte pour qu'elle n'accouche de l'Antéchrist dans Rosemary's Baby, tandis que L'Exorciste met en avant une grande star hollywoodienne dont la fille est prise d'assaut par un démon, pendant que La Malédiction présente un homme politique dont le foyer sert de cocon protecteur au rejeton du Diable. Et si ce genre de sous-texte a été assumé et même revendiqué durant des décennies de productions horrifiques, le Conjuring-verse s'en fichera royalement pour ne livrer qu'un cours de catéchisme aussi moraliste que vain, en contradiction totale avec cette (pas très sainte) trinité d'origine. 
   Car en dépit de questions religieuses évidentes, en dépit de la présence de prêtres et de décors cléricaux, ni Rosemary's Baby, ni L'Exorciste ni La Malédiction ne sont des films qui promeuvent le Sacré. Au contraire : la foi y est au mieux inutile, au pire source de danger. L'on apprendra donc dans La Malédiction que le jeune et démoniaque Damien a été placé chez sa famille d'accueil suite à un complot initié par quelques prêtres, tandis que L'Exorciste se révèle être le film le plus frondeur du lot. Parfois cité en étendard du "catho-porn" de par ses longues scènes d'exorcisme bardées de psaumes, de crucifix et d'eau bénite, le long-métrage de Friedkin est en vérité un monument d'hérésie : Dieu est littéralement absent de ce film imprégné par le démon, et conclut par le salvateur suicide d'un prêtre qui a perdu la foi. Difficile de commettre plus grande remise en question du Sacré puisque le salut passe donc par un homme faillible, défroqué, là où tout un décorum catholique se sera montré profondément inefficace.
   Le message est clair : la foi ne vous aidera pas et croire ne vous aidera pas, car l'horreur est partout et la meilleure façon de l'appréhender reste de s'y confronter quitte à y laisser des plumes. Voilà l'essence du genre que ces trois films ont presque synthétisée.
   Ils ne sont cependant guère matriciels, et l'on pourrait bien sûr remonter aux sources du genre pour retrouver une approche similaire ou même se contenter de citer le cultissime Carnaval des Âmes (Herk Harvey / 1962) qui, sans pousser aussi loin la critique sociale ou le questionnement religieux, désacralisait néanmoins la supposée protection cléricale : l'héroïne aux prises avec un spectre tenace ne sera nullement aidée par le curé pour lequel elle travaille, et l'église où elle officie ne prendra jamais les atours d'un sanctuaire. Pire encore : la mélodie païenne qu'elle se prend à jouer à l'orgue lui vaudra les remontrances de son employeur lorsque le bâtiment sera envahi par une horde de spectres enragés.


   Pendant des années, ce paradigme (ou plutôt cet anti-paradigme) sera pleinement assumé par le genre, afin de questionner et même démolir toute croyance au détour d'épreuves plus ou moins dures qui ont valeur de catharsis tant pour les protagonistes que pour le spectateur. L'on pourrait certes signaler le cas d'Amityville - La Maison du Diable (Stuart Rosenberg / 1979), qui surfait sur des thématiques qu'il ne comprenait pas afin d'enfoncer lourdement quelques préceptes religieux lors de l'apparition du couple Warren (tiens donc !) ; mais son postulat prosélyte sera remis en question dès Amityville 2 - Le Possédé (Damiano Damiani / 1982), suite infiniment supérieure qui reprend à bon compte les acquis de L'Exorciste avant que la série ne sombre dans les tréfonds du direct-to-video suite à l'échec du consternant Amytiville 3D (Richard Fleischer / 1983). Bref, nous sommes bien loin de la longévité au box-office du Conjuring-verse qui n'a, de plus, jamais remis son postulat en question...


   Pour l'heure, continuons à remonter le fil pour s'attarder par exemple sur le cas de John Carpenter, maître reconnu dont la filmographie regorge de remises en question du sacré qui permettent souvent, comme chez Polanski, Friedkin et Donner, de balancer quelques piques bien senties envers l'establishment.


   Dès Fog (1980), le personnage du curé est présenté comme un danger pour sa paroisse, alcoolique incapable de contrer la sombre mémoire de la ville matérialisée par quelques spectres revanchards, prétexte pour Carpenter à surligner le passé sanguinaire d'une nation construite sur un gigantesque massacre. Dans Prince des Ténèbres (1987), l'Église est coupable non seulement de veiller sur Satan mais surtout d'avoir remanié la Bible afin d'induire toute l'Humanité en erreur pour asseoir son pouvoir ; et ce n'est qu'en abandonnant toutes convictions au gré d'éprouvants questionnements métaphysiques qu'un petit groupe de scientifiques parviendra (momentanément) à repousser le Malin. Si L'Antre de la Folie et Le Village des Damnés (1995, tous deux) sont moins virulents, il n'empêche que le grand méchant du premier film, accessoirement émissaire de forces démoniaques, trouve refuge dans une église tandis que le prêtre du second film est tout simplement incapable d'appréhender l'arrivée d'enfants maudits au cœur de sa paroisse. Enfin, dans Vampires (1998), l'Église est de nouveau pointée du doigt, cette fois-ci coupable d'avoir crée la race des vampires de par sa superstition. Le grand méchant du film s'avère donc être un prêtre défroqué finalement mis en échec par Jack Crow, personnage typique de Carpenter n'obéissant à aucune morale si ce n'est la sienne, convaincu de rien si ce n'est de rendre coup pour coup, incarnation du Moi stirnerien à même de triompher d'ennemis engoncés dans leurs préceptes obsolètes (au point même de pousser un prêtre à renier le clergé pour lui prêter main-forte).


   Si Carpenter est sans doute l'un des plus grands artistes du fantastique et de l'horreur, sa relative réussite financière pourrait laisser penser que ce genre de considérations n'est l'apanage que des films aux budgets et à la portée modestes... Et ce serait une erreur puisqu'à la même époque, une saga quasiment grand public comme Freddy se double elle aussi de piques bien senties. Dès Les Griffes de la Nuit (Wes Craven / 1984), Freddy  fait tomber un crucifix en un plan qui a valeur de note d'intention : il ne compte se soumettre à aucun dogme et son exorcisme à l'eau bénite dans Les Griffes du Cauchemar (Chuck Russell / 1987) sera un échec, tandis que l'on apprend dans L'Enfant du Cauchemar (Stephen Hopkins / 1989) que Freddy est le fils d'une nonne né dans un couvent. Pour le sanctuaire, on repassera.


   Même un film comme Poltergeist (Tobe Hooper / 1982), production prestigieuse de Steven Spielberg, se permet de signifier clairement à ses personnages que la chrétienté ne les aidera en rien. Pire encore, ces petits bourgeois à l'existence hyper calibrée en ressortent si déstabilisés qu'ils prêtent foi à une voyante à l'efficacité plus que contestable avant que leur avidité maladive ne leur revienne en pleine poire au travers de la littérale explosion de leur cadre de vie.
   Cet acharnement à pulvériser toute conviction se retrouvera également chez Sam Raimi dans Jusqu'en Enfer (2009), autre succès allègrement vendu sur le nom de son réalisateur alors très bankable, et qui nous présente une héroïne dont les multiples attaches religieuses, superstitieuses, philosophiques et financières ne l'empêcheront pourtant pas d'être traînée... jusqu'en Enfer.
   Au passage, cette remise en question de tout acquis se retrouvait déjà chez Polanski (déconstruction de la bourgeoisie), chez Friedkin (déconstruction des médias et du star-system au travers du calvaire d'une de leurs représentantes), et bien sûr chez Donner (le cadre politique gangréné par la corruption).


   Car si la foi religieuse est souvent pointée du doigt, la combler par une autre croyance n'aide en rien. Preuve en est Entretien Avec un Vampire (Neil Jordan / 1994), production par ailleurs portée par une ribambelle de stars et dans laquelle les acquis du dévot Louis sont flingués un à un par le pervers Lestat pour in fine le laisser errer sans but pour l'éternité.
   De même, un film qui n'est pourtant qu'un pur produit commercial comme Blair Witch 2 - Le Livre des Ombres (Joe Berlinger / 2000) a néanmoins l'audace de présenter un groupe de personnages conduits à leur perte par leur acharnement à gober tout et n'importe quoi.
   L'espagnol Rec (Jaume Balagueró / 2007), autre grand succès, présente quant à lui une journaliste qui s'accroche désespérément à l'exposition médiatique de la caméra, artefact moderne évidemment incapable de la protéger de la menace engendrée par un exorcisme loupé.
   Même la pourtant très normative maison de production Blumhouse n'aura aucun complexe à laisser toute marge de manœuvre à ce frappadingue de Rob Zombie dans un Lords of Salem (2012) qui renvoie dos à dos foi chrétienne et croyances païennes, le seul curé du film étant tout aussi dangereux que les sorcières qui rôdent dans les parages.


   Durant des décennies,  le cinéma d'horreur s'est fait un plaisir d'honorer son essence de poil à gratter pour malmener les acquis, s'attaquer à l'establishment, pousser à la remise en question, inviter ses protagonistes et par extension ses spectateurs à s'élever. Approche hautement subversive donc... Mais comme le dirait la fameuse pub : "ça, c'était avant".
   Comme mentionné en début d'article, la frange indée et/ou fauchée du genre persiste et signe. Mais la frange grand public, celle qui ramasse le plus de blé et influence le reste de la production ? Celle-ci est en train de lâcher l'affaire, avec la complicité d'un public amorphe.

   Le problème a commencé vers le milieu des années 2000, avec le carton improbable de L'Exorcisme d'Emily Rose (Scott Derrickson / 2005), réalisé par un dévot revendiqué qui se fait un plaisir de reprendre le postulat de L'Exorciste pour l'expurger. Ainsi, la jeune possédée du film n'est plus qu'une martyre désignée par la Vierge en personne afin de démontrer l'existence de Dieu et, si sa condition n'est certes pas tip top (bouffer des araignées n'étant guère recommandé), elle s'en accommode plutôt bien et au final tout le monde est si tranquille que le film s'achève sur une protagoniste paisiblement endormie dans le meilleur des mondes. On est bien loin du final plus que nuancé du film de Friedkin et des lourdes questions qu'il laissait en suspens... 


   Même topo dans Le Rite (Mikael Hafstrom / 2011), qui ouvre la voie à la figure récurrente du prêtre surhumain avec son Anthony Hopkins en mode Chuck Norris du Vatican, l'affiche barrée d'un bon gros "ne pas y croire ne vous sauvera pas" (ou comment inviter à rentrer fissa dans le rang). 
   Suivra alors une palanquée de films du même acabit, qui ne colleront des mots connotés dans leurs titres que pour mieux signifier le pouvoir de la foi : Le Dernier Rite (Peter Cornwell / 2009), Le Dernier Exorcisme (Daniel Stamm / 2010), Délivre-Nous du Mal (encore Scott Derrickson / 2014)... Il y en a pour tous les goûts (enfin presque) avec ces films tirés d' "histoires vraies" aussi crédibles que les gémissements d'une star du X.


   Le point de non-retour est atteint avec Conjuring - Les Dossiers Warren (James Wan / 2013) qui, derrière ses atours de film de maison hantée à l'ancienne, dissimule un pur cours de catéchisme.
   Dès l'arrivée des Warren, le film vire au prosélytisme pur et résout assez facilement les épreuves subies par ses protagonistes : quelques prières, un peu d'eau bénite et voilà une belle happy-end, n'oubliez pas d'allumer un cierge au passage. Procédé d'autant plus malhonnête le film prend tout d'abord les atours d'une œuvre qui va confronter les personnages à leurs doutes, souligner leurs névroses et leur mal-être... Pour in fine leur refiler une solution clefs en mains. 
   Hélas, le film cartonne. 
   Et dès lors, la foire est ouverte.


   Si Conjuring 2 - Le Cas Enfield (James Wan / 2016) s'avère au final moins prosélyte que son aîné, difficile d'en dire autant des spin-offs : pour un Annabelle (John R. Leonetti / 2014) premier du nom qui évite de plonger dans le catéchisme à pieds joints (sans pour autant nous épargner quelques leçons de vie bien senties parce qu'il faut quand même pas déconner) ; Annabelle 2 - La Création du Mal (David F. Sandberg / 2017) saute dès son affiche outrageuse dans une démarche évangéliste aussi foldingue que décomplexée, balançant crucifix et Bibles aux quatre coins de l'écran à la moindre secousse. Si le troisième volet s'en écartera avec surprise, le répit est de courte durée : La Nonne (Corin Hardy / 2018) s'y vautre avec sa succession de bonnes sœurs qui prient à tout va, flanquées d'un curé en mode Expendable des cieux. À noter qu'il existe par ailleurs un autre film espagnol intitulé La Nonne (Luis de la Madrid / 2005) dont le statut de slasher bas du front ne l'empêchait guère de pousser à la remise en question du Sacré... Mais ce postulat n'est hélas plus à l'ordre du jour.


   Car dans le Conjuring-verse, aucune remise en question et de facto aucune catharsis : les épreuves vécues par les persos n'ont pas pour but de les élever, mais simplement de démontrer toute la puissance divine. Les protagonistes sont ici moins considérés comme des êtres capables de progresser que comme des victimes ad vitam aeternam, condamnées à s'en remettre à plus fort au lieu de puiser en elles.
   Cela est d'autant plus dommage que certains de ces films auraient pu offrir quelques réflexions lourdes de sens : la jeune novice de La Nonne doute de son engagement clérical, les enfants d'Annabelle 2 sont souvent victimes de maltraitance, la misère sociale de Conjuring 2 est évidente... Mais toutes ces thématiques ne sont que d'aimables arrière-plans jamais exploités tant les films sont dévoués à ne pas mettre les pieds dans le plat. Loin de la famille bourgeoise dont le cadre implosait dans Poltergeist, loin de l'héroïne de Jusqu'en Enfer qui voyait son avidité lui revenir dans la tronche, loin des scientifiques de Prince des Ténèbres dont tous les acquis étaient bousculés ; les protagonistes du Conjuring-verse n'affrontent aucune épreuve (si ce n'est celle d'attendre le curé), et ne peuvent donc rien signifier d'intéressant ni rien traduire de subversif. Il n'est  plus question d'attraper le spectateur pour le secouer et lui plonger le nez dans la merde, il est juste question de lui offrir quelques frissons vains, sans conséquence, immédiatement annihilés par un statu quo aussi factice qu'insensé.

 

   Le comble est donc atteint avec La Malédiction de la Dame Blanche (Michael Chalves / 2019), qui transforme un personnage fort secondaire de prêtre du premier Annabelle en Steven Seagal ecclésiastique, le genre de mec qui boirait un bidon d'eau bénite pour pouvoir pisser sur Satan. Impossible de flipper et encore moins de se confronter à quelques névroses puisque ce brave type se tient aux aguets, prêt à savater tout ce qui n'est pas (littéralement) catholique. Les traumas et donc la matière des persos ? Inexistants. Le contexte social explosif des ghettos latinos ? Complètement survolé. Ici, les dimensions cathartiques et subversives du genre ne se contentent plus de foutre le camp, elles sont tout bonnement niées dès le départ. Et pourtant, ça cartonne : 123 millions de dollars de recettes pour un investissement de 9 millions, no comment.


   Il y a donc un public pour ces films, c'est indéniable, mais que faut-il en déduire ? Le genre n'est pas encore mort, il survit de par quelques propositions indées intéressantes, sans compter quelques perles malheureusement perdues dans les méandres de la VOD et du streaming. Mais ce noyau dur n'est plus rien en comparaison d'une majorité du public qui, même devant un film d'horreur, ne veut pas être bousculée, choquée, ébranlée, confrontée à de profondes thématiques. La comparaison entre la saga Amityville et le Conjuring-verse le prouve : ce qui fut autrefois rejeté au bout de très peu de volets est aujourd'hui demandé encore et encore, et les producteurs ne se gênent pas d'y répondre. Les spectateurs des décennies précédents recherchaient la remise en question, ceux d'aujourd'hui n'aspirent qu'à être confortés, dorlotés, protégés comme de pauvres petites choses. On vient voir de l'horreur, on prétend flipper, mais l'on préfère tout de même se réserver un filet de sécurité car il ne faudrait pas non plus regarder le Mal en face par peur de ce que l'on y trouverait, et surtout de ce qui en découlerait.
   Mais n'est-ce pas pourtant là le but d'une catharsis ? 
   Hélas l'époque n'est plus à la catharsis, qui par définition permet de surpasser les traumas et les névroses ; l'époque est à la sensiblerie contreproductive, au repli sur soi car le Mal vient forcément de l'extérieur et il est donc improbable d'en être la cause. L'époque n'est guère plus portée sur la subversion, à laquelle elle préfère de toute évidence l'aseptisation et les non-dits, et tant pis s'ils ne manqueront pas de revenir à la charge comme tout mal qui se respecte. Car s'il y a bien une chose que Carpenter, Raimi, Donner, Hooper, Friedkin et tant d'autres ont démontré, c'est que si la foi absolue, les convictions aveugles et surtout l'absence de remise en question ne sont pas toujours le fruit du Mal, elles contribuent néanmoins à lui faciliter grandement la tâche.

17/07/2020

À propos d'Une Brève Histoire du Sang

Mon dernier roman, intitulé donc Une Brève Histoire du Sang (pour ceux qui n'auraient pas compris après avoir lu le titre de l'article), est disponible ici depuis le 10 juillet.




Je lui ai consacré un thread sur Twitter, histoire de revenir sur ma démarche, mais pour ceux qui sont allergiques au petit piaf bleu (ce que je peux parfaitement comprendre), voici donc en substance de quoi il retourne.


La promo de ce livre (toujours sur Twitter, ce RS étant celui que je privilégie) a principalement été axée sur l'aspect spatio-temporel de l'intrigue. À cela, deux raisons simples : premièrement, j'en ai bavé à le rendre cohérent ; deuxièmement, il s'agit de l'ossature de l'intrigue.
Mais l'ossature n'est pas le cœur. Et en l’occurrence, ce qui fait battre le cœur de ce récit est une histoire d'amour (oui oui, une histoire d'amour, vous avez bien lu, il ne s'agit pas d'une faute de frappe).
Pourquoi ne pas avoir inclus cet aspect dans la promo s'il est si prépondérant dans le livre, vous demandez-vous ? Eh bien tout simplement parce que je n'avais pas la moindre fichue idée de comment procéder. J'ai pourtant su dès la conception du projet que le roman ne serait pas qu'une histoire de voyages dans le temps agrémentée d'une enquête autour d'un meurtre ésotérique. Mais le changement de ton étant plutôt flagrant, je préférais, et cela par trac pur et simple, attendre les réactions pour enfin assumer pleinement ma démarche. Et si j'en juge aux premiers retours, le virage a été bien négocié. Certes, il s'agit d'un roman signé de mon nom, ce qui implique donc une dose non-négligeable de sang, de violence, de paranormal et de sexe. Mais l'histoire d'amour crève les yeux, et elle semble fonctionner.
Me voilà grandement soulagé.

Reste alors une question : pourquoi ce changement de cap ?
Tout d'abord, et c'est peut-être la meilleure réponse en fin de compte : parce que j'en avais envie. C'est mon bouquin, après tout. Si t'es pas content, va voir ailleurs.
Ensuite, parce que je ressentais un besoin d'accalmie dans mon oeuvre. Pour utiliser une comparaison musicale, si Route de Nuit résonnait de tonalités sombre tandis que Chimère(s) vibrait de sonorités enragées, je désirais présentement offrir une balade. Pour sortir de ma zone de confort, pour me remettre en question en m'extirpant d'un schéma que j'avais certes mis en place moi-même mais qui commençait déjà à m'étriquer. Comme un besoin de respirer, pour mieux repartir ensuite.
Paraît-il que les mauvais garçons sont responsables des meilleures balades. Est-ce vrai ? À vous de vérifier.